Quelques bases de la macro
Malheureusement, il rencontrât, plusieurs difficultés. Pour les comprendre, il est utile de rappeler quelques bases de la macro. La profondeur de champ est la zone qui est perçue nette sur la photo en avant et en arrière du plan de mise au point. Contrairement à de fausses croyances qui ont la peau dure, elle ne dépend pas de la focale de l’objectif. Au contraire, elle est fonction de seulement deux paramètres : l’ouverture du diaphragme et le rapport de reproduction – aussi appelé grandissement - qui traduit le grossissement du sujet sur le film ou sur le capteur. La profondeur de champ est d’autant plus étroite que l’ouverture est grande (diaphragme très ouvert) et que le rapport de reproduction est élevé (sujet cadré serré). Indépendamment du fait qu’on utilise un téléobjectif ou un grand-angle, la profondeur de champ est identique dès lors qu’un utilise la même ouverture et que le cadrage est identique. Prenons un exemple. Lorsqu’un cliché est pris à pleine ouverture avec un cadrage de 16 x 24 centimètres (rapport de reproduction de 0,15), la profondeur de champ procurée par un 35 mm f/1,4 est presque trois fois plus étroite que celle d’un 300 mm f/4.
Ainsi, avec des ouvertures extrêmes, la profondeur de champ fond comme neige au soleil dès qu’on cadre serré. C’est pourquoi, il est totalement impossible d’envisager d’utiliser un diaphragme ouvert à f/1,4 pour réaliser de la macro à grandissement élevé. L’usage des très grandes ouvertures n’est envisageable qu’en proxiphoto. C’est pourquoi Ghislain pas essayé d’associer ses optiques très lumineuses à des bagues-allonge. La mise au point deviendrait totalement impossible à ajuster. Il a choisi de composer avec la distance minimale de mise au point de chaque objectif. En pratique, l’usage de l’ouverture extrême f/1,4 n’est envisageable en photographie rapprochée qu’avec des rapports de reproduction n’excédant pas 0,15 à 0,2. C’est pourquoi on parle ici de proxiphoto et pas de vrai macro. Cette contrainte est en fait l’un des principaux intérêts de l’utilisation de très grandes ouvertures en photographie rapprochée. Avec un grandissement faible de l’ordre de 0,1 fois, il est possible de réaliser des plans très larges qui mettent en valeur le milieu dans lequel vivent la petite faune tout en conservant une ambiance très graphique.
Compte tenu de ces lois optiques intangibles, il est légitime de se demander pourquoi les téléobjectifs plus puissants donnent en pratique l’impression d’accentuer les flous. En effet, avec le 300 mm cité plus haut, les fonds des clichés sont beaucoup plus flous et uniformes. Ce phénomène est produit par l’angle de champ étroit des téléobjectifs. A cadrage équivalent, l’arrière-plan de la photo sera plus vaste avec un grand-angle qu’avec une longue focale. De ce fait, le fond composé d’éléments plus variés apparaîtra moins diffus avec une courte focale.
Les bons couples Focale / Ouverture
Le rendu dans les zones floues dépend donc de trois paramètres, le rapport de reproduction bien sûr, l’ouverture du diaphragme et la distance focale de l’objectif. Pour partir à la recherche de beaux flous en proxiphoto en cadrage large, c’est-à-dire avec des grandissements de 0,1x à 0,2x, l’ouverture maximale idéale est donc fonction de la focale de l’objectif. Avec une longue focale de 200 mm, un diaphragme ouvert à f/2,8 fait déjà apparaître des graphismes intéressants en dehors du plan net. En cadrage large en proxiphoto, on voit qu’on a intérêt à délaisser les téléobjectifs macro pas assez lumineux pour se tourner vers des optiques non spécialisées comme l’est un zoom 70-200 mm f/2.8. Il n’est toutefois pas indispensable d’utiliser des ouvertures extrêmes comme Ghislain le fait avec l’une de ses optiques favorites, le 200 mm f/2.
Avec un téléobjectif deux fois plus court, soit 100 mm, il faut logiquement passer de f/2,8 à f/2. Là aussi, les courts téléobjectifs macro ne sont pas assez lumineux… à l’exception notable du Zeiss 100 mm f/2 macro. Il s’agit d’une petite merveille que tout amateur de beaux flous en photo rapprochée devrait posséder. Sa construction limite son grandissement maximum à 0,5 fois, mais ce défaut est largement compensé par sa luminosité deux fois plus élevée que celle de tous ses concurrents.
Enfin, quand la focale passe sous la barre des 100 mm, il faut que l’ouverture maximale de l’objectif soit plus grande que f/2 pour donner accès au bokeh à faible grandissement. Il est donc logique que la première expérience de terrain avec le 85 mm utilisé à f/1,4 ait laissé une excellente impression et ait fourni quelques clichés où le graphisme passe au premier plan.
La Gestion de l'étroit plan net
Mais ces ouvertures extrêmes produisent une profondeur de champ fine comme une feuille de papier à cigarette. A f/1,4, la profondeur de champ est deux fois plus faible que lorsqu’on ferme le diaphragme à f/2,8. Il n’est donc pas facile de la maîtriser sur le terrain. Le déplacement du boîtier de seulement un millimètre peut transformer un magnifique cliché en une image toute floue sans intérêt ! Il est impératif de mettre en œuvre le mode opératoire le plus précis possible. Avec un sujet immobile, la solution est simple : il faut utiliser un trépied associé au mode LiveView qui permet d’ajuster le point directement sur le capteur. Après avoir ajusté la composition de la photo sur l’écran, il est possible d’ajuster finement la netteté sur le sujet en zoomant fortement dans l’image. Ensuite, on peut déplacer cette loupe numérique pour contrôler si le plan net est judicieusement placé par rapport aux autres éléments qui participent à la composition. A ce stade il est souvent nécessaire de déplacer légèrement le trépied pour modifier un peu le point de vue. Cela permet d’incliner différemment le plan net pour le faire passer par les éléments forts du cliché. Bien sûr, après avoir bougé le trépied pour optimiser le point de vue, il faut aussi réajuster la mise au point sur le sujet. A l’issue de deux ou trois itérations, l’image est parfaite et il ne reste plus qu’à déclencher.
Ce mode opératoire est très efficace tant qu’il n’y a aucun mouvement. Malheureusement, une simple brise qui fait bouger le brin d’herbe utilisé comme perchoir par un insecte rend le LiveView totalement inefficace. Pour suivre un sujet mobile, on peut se tourner vers l’autofocus. Quand le sujet principal est de grande taille et qu’il faut régler la netteté sur le point le plus proche de l’appareil, cela fonctionne bien. Pour compenser les déplacements de l’insecte, mais aussi les mouvements du photographe, il est impératif de sélectionner le mode autofocus continu et de placer le collimateur AF au bon endroit dans l’image de visée. Ainsi réglé, l’appareil ajuste le réglage de la mise au point jusqu’au déclenchement de l’obturateur.
Mais voilà, il arrive souvent que la finesse de la profondeur de champ impose de faire un compromis et de placer le plan net astucieusement sur le sujet car il est de toute façon impossible d’avoir tout le corps de l’animal net. Et il est illusoire d’espérer trouver le réglage de l’AF qui correspond à ce compromis. Alors, il ne reste qu’une seule option : passer en mise au point manuelle. Pour ce dernier mode opératoire, mode Que Ghislain Simard utilise le plus souvent pour prendre des clichés à grande ouverture, un viseur de bonne qualité est précieux. Une image de visée de grande taille permet de mieux voir où le plan net se trouve. Les verres de visée très clairs modernes ne sont malheureusement pas les meilleurs pour visualiser la netteté. Leur conception a été optimisée pour procurer une visée très lumineuse aux appareils reflex autofocus. Les concepteurs n’avaient donc pas pour priorité de faciliter la mise au point manuelle. Avec un reflex moderne, l’appréciation visuelle de la netteté n’est pas un exercice facile. Pour réaliser ces proxiphotos à grande ouverture, Il est conseillé de déplacer l’appareil d’avant en arrière plusieurs fois de suite afin de sentir où le plan net se situe puis d’immobiliser le boîtier à l’endroit qui semble idéal. Quoi qu’il en soit, la mise au point manuelle à f/1,4 reste très délicate et quelque peu aléatoire !
Le plus délicat reste à venir. En effet, il ne suffit pas que le plan net passe bien sur le sujet principal pour réussir une belle photographie à grande ouverture. Comme il s’agit d’un plan large qui fait la part belle à l’environnement dans lequel vit l’insecte, il faut aussi que le plan de mise au point soit bien positionné par rapport à la végétation. Ici, l’affaire se corse sérieusement !
Le choix du point de vue
En effet, lorsqu’on travaille avec une profondeur de champ aussi faible, il ne faut pas simplement ajuster la netteté de l’image en tournant la bague de mise au point mais il faut aussi s’assurer que le plan net est correctement orienté dans l’espace. Ceci est déterminé par le choix du bon point de vue au millimètre près. On peut facilement se faire piéger en se concentrant excessivement sur la netteté du sujet principal déjà si difficile à obtenir. Et chaque prise de vue est un cas particulier. Parfois, il est souhaitable que le plan net passe par la longue tige qui sert de perchoir à un insecte pour mettre en relief sa longueur comparée à la petite taille du sujet. A l’inverse, il peut s’avérer nécessaire de repousser certains éléments de l’environnement dans le flou car ils attireraient trop le regard et nuiraient à la lecture de la photographie. Il faut noter qu’on rencontre cette même difficulté de positionnement du plan net dans l’espace lorsqu’on utilise un grand-angle très lumineux même sans pratiquer la photographie rapprochée. Un 24 mm f/1,4 qui fait rêver les amateurs de reportage nocturne n’est pas simple à dompter !
Enfin, le point de vue conditionne aussi grandement le rendu dans les zones floues puisque l’arrière-plan est modifié quand l’appareil est déplacé par rapport au sujet. D’ailleurs, tous les types d’arrière-plan ne sont pas magnifiés par un diaphragme grand ouvert. C’est en particulier le cas quand le fond est très éloigné derrière le sujet principal. Le fond sera flou qu’on utilise une très grande ouverture ou un diaphragme moyen. Ce type de situation produit d’ailleurs des clichés plutôt fades car l’arrière-plan est trop uniforme. Il est bien préférable de rechercher des compositions où les végétaux qui sont derrière le premier plan sont répartis à différentes distances de l’appareil. L’image se remplit alors de flous différents dans lesquels certains éléments restent identifiables sans pour autant détourner le regard du centre d’intérêt de la photo.
Mieux encore, il est souvent intéressant de disposer d’un avant plan. Les effets de flous produits par des feuilles ou des tiges qui se trouvent entre le sujet et l’appareil sont différents et ils ont tendance à adoucir encore davantage l’image. Il faut tout de même faire très attention à la taille qu’ils prennent dans le cadre. Tout ce qui est proche de l’objectif occupe fatalement plus de place dans l’image et le premier plan, même s’il est graphique, peut vite attirer trop l’attention en masquant une partie importante du cliché.
La lumière
Mais il y a un paramètre encore plus important à maîtriser pour obtenir de superbes flous à grande ouverture. C’est qualité de la lumière. La façon dont le fond de l’image est éclairé est très importante. Les objectifs très lumineux utilisés à courte distance apprécient beaucoup qu’il y ait des sources de lumière dans le champ. On trouve facilement ces conditions favorables sur les berges d’une rivière ou au bord d’un étang en profitant des reflets du soleil à la surface de l’eau. Chaque reflet se transforme en un superbe halo qui prend la forme du diaphragme. Il est donc intéressant de travailler à pleine ouverture afin de voir apparaître une multitude de disques lumineux dans l’arrière-plan. Les diaphragmes modernes disposent toutefois de neuf lamelles incurvées qui préservent la qualité des flous lorsque l’objectif n’est pas utilisé à pleine ouverture. Ainsi, avec un objectif doté d’un diaphragme de grand diamètre comme, par exemple un 85 mm f/1,4, les halos restent quasiment circulaires même si le cliché n’est pas pris à pleine ouverture.
L’effet créé par les reflets à la surface de l’eau est encore plus subtile lorsqu’ils sont filtrés par la végétation aquatique. Les disques lumineux se transforment en diverses formes géométriques qui remplissent l’arrière-plan comme si un peintre impressionniste avait pris les commandes de l’appareil photo.
D’autres conditions idéales pour obtenir de beaux flous à pleine ouverture se rencontrent au crépuscule, lorsque le ciel s’enflamme. Il est très difficile de profiter du soleil orangé pour créer un grand disque dans l’arrière-plan car les contraintes d’exposition avec un soleil très lumineux dans le champ interdisent de travailler à f/1,4. La seule solution pour réussir ce type d’image consiste à visser un filtre gris neutre à l’avant de l’objectif. En évitant de placer le soleil dans le champ, il est possible de créer de superbes flous en profitant de la lumière crépusculaire filtrée par de grandes herbes ou par le feuillage d’un arbre. L’extrême luminosité des objectifs qui ouvrent à f/1,4 permet également d’envisager de continuer à prendre des photos après le coucher du soleil.
Enfin, plus globalement, l’éclairage en contre-jour réserve la plupart du temps de bonnes surprises lorsqu’on travaille à pleine ouverture.