MAKING OF VIDEO
PENSER EN QUATRE DIMENSIONS
Avant d'enregistrer mes premières séquences vidéo, je me suis demandé comment un bon réalisateur parvenait à capter mon attention et à me faire oublier que je suis en train de regarder un film pour me faire tomber dans l’action. Pour trouver les clés, il suffit de regarder un bon film et d’analyser comment il est construit.
Il faut d’abord intégrer le temps qui s’écoule. C’est une révolution pour un photographe. Une scène est une série de plans qui se succèdent, souvent à un rythme plus élevé que le vidéaste débutant ne l’imagine. Tout ceci s’assemble sur une timeline lors du montage mais il faut avoir en tête tous les plans requis pour chaque scène avant le tournage. Il n’y a rien de plus frustrant que de découvrir à la fin d’une longue journée de tournage qu’il manque un plan de quelques secondes qui aurait pourtant été bien utile. Le tournage laisse moins de place à l’improvisation que la prise de vues fixes car il faut préparer une liste de plans qui s’inscrivent dans le temps.
Et puis, il faut exploiter l’espace. En photographie, on n’insistera jamais assez sur l’importance du point de vue. En vidéo, le point de vue doit être pensé en trois dimensions. Trois dimensions pour varier judicieusement de point de vue entre chaque plan. Trois dimensions également pour changer de point de vue à l’intérieur même d’un plan. Pour cela, il faut déplacer la caméra (le reflex en mode vidéo) pendant le tournage. Cela change tout et apporte beaucoup de dynamisme au film.
En travaillant dans l’espace et exploitant le temps, on se trouve à devoir maîtriser quatre dimensions. Ce n’est pas avec les outils conçus pour la photographie qu’il est possible de domestiquer les mouvements et le temps. Pour faire de la vidéo sérieusement, il faut entourer l’appareil reflex d’accessoires indispensables et il faut compléter les logiciels de post-traitement de nouveaux outils conçus pour maîtriser le montage.
FLUIDITÉ ET STABILITÉ
Les trépieds vidéo sont conçus pour prendre en compte les contraintes de la prise d’images animées. Ils possèdent le plus souvent une structure à tubes multiples complétée par des entretoises qui concourent à obtenir une bonne résistance à la torsion bien utile lorsqu’on fait des mouvements panoramiques. La platine du trépied sur laquelle on fixe la tête vidéo est montée sur un bol. Son rôle est de permettre le réglage de l’axe de rotation de la tête parfaitement à la verticale sans avoir à tâtonner en modifiant la longueur de chaque jambe.
La tête vidéo est aussi importante que le trépied. Elle est très différente des rotules utilisées en photo. D’abord la mobilité est limitée à deux axes. On ne filme jamais à la verticale. La tête vidéo est équipée de roulements à billes pour permettre des mouvements très fluides. Il est de plus possible d’ajuster la friction sur chaque axe afin de faciliter des mouvements lents ou, au contraire, plus rapides. Les modèles haut de gamme incorporent un dispositif de compensation de la masse de la caméra. Le réglage permet d’adapter les mouvements de la tête au poids de l’équipement qu’elle doit supporter.
MOUVEMENTS VARIES
La tête vidéo n’autorise que des mouvements de rotation horizontaux ou verticaux. On peut être tenté de réaliser d’autres mouvements de caméra.
Le plus commun est la translation, appelée travelling au cinéma. Il existe un accessoire qui permet de réaliser ces déplacements rectilignes de façon fluide, c’est le slider. On trouve des modèles à tous les prix, du rail simple mal ajusté avec lequel on ne fera jamais rien de bon, jusqu’au slider entièrement motorisé et pilotable à distance. Comme souvent, la bonne solution se trouve dans le compromis. Personnellement, j’ai opté pour un slider iFootage Shrak S1 qui permet de réaliser des translations très souples grâce à son volant d’inertie entraîné par une courroie crantée.
Il existe d’autres accessoires pour réaliser d’autres mouvements de caméra comme, par exemple, la grue. Mais il y a un nouveau venu qui bouscule nombre d’habitude et permet de réaliser des séquences inimaginables il y a seulement quelques années : le drone. Avec lui, on peut survoler un paysage, passer sous un pont ou encore suivre un skieur qui dévale une pente. Je ne développerai pas plus l’usage du drone ici puisque cela mériterait un article complet !
LE MONTAGE
La vidéo bouscule bon nombre d’habitudes du photographe et votre fourre-tout se trouve chargé de nouveaux accessoires. Mais, vos découvertes ne vont pas s’arrêter là ! Lorsque vous rentrerez d’une séance de tournage, les nouveautés vont se poursuivre devant l’ordinateur. On ne traite pas des séquences animées comme on développe des fichiers photographiques.
Il faut d’abord copier les séquences vidéo sur le disque dur et faire un premier derushage. Les fichiers vidéos sont très volumineux et ils prennent du temps à être contrôlés car il faut les visionner un à un. Une classification rigoureuse avec des notations claires sont de mise car il faut éviter d’avoir à regarder plusieurs fois les mêmes plans. Sinon, vous risquez d’y passer toute la nuit.
Ensuite vient l’étape du montage. Ici, il n’est pas facile de faire son choix parmi les multiples logiciels disponibles, depuis les logiciels grand public fournis gratuitement avec des action-cams jusqu’aux logiciels professionnels chers et complexes. Il n’y a pas de choix simple car cela dépend beaucoup de vos ambitions en vidéo. Si vous avez l’ambition de réaliser un film sérieux, il faut garder à l’esprit que, comme en photo, ce qui coûte le plus, c’est l’apprentissage. L’univers du montage vidéo est si éloigné de celui de la photo que je conseille de suivre une formation. C’est ce que j’ai moi-même fait lorsque, fin 2014, j’ai entrepris mon premier projet de film. Ayant vécu récemment la fin du logiciel Aperture, j’ai eu peur de me lancer dans une formation de Final Cut X dont le futur est compromis par la volonté d’Apple de limiter les développements de logiciels. J’ai donc préféré faire l’apprentissage de Adobe Premiere Pro CC. Ce logiciel est en quelque sorte le Photoshop de la vidéo. On peut bien sûr assembler des plans pour construire des séquences. Le logiciel dispose de multiples outils pour faciliter cette tâche y compris des fonctions sophistiquées qui simplifient le montage multi-caméra. La fonction de synchronisation de plusieurs caméras en utilisant les pistes de le son est d’ailleurs impressionnante de simplicité et d’efficacité. Premiere Pro permet également d’ajuster les teintes et les tons des séquences comme on le fait lorsqu’on développe une image fixe. On retrouve d’ailleurs certains outils bien connus des photographes comme les courbes ou l’ajustement des hautes et basses lumières. On peut multiplier les pistes vidéo et les pistes de son pour créer des montages très dynamiques. Le logiciel sait également importer des documents créés avec d’autres logiciels Adobe, en particulier After Effects avec lequel on peut mixer des images de synthèse en 3D avec de la vidéo. Bref, les possibilités sont sans limite… pour qui accepte d’investir dans une sérieuse formation suivie de plusieurs mois d’apprentissage !
EXPORTER EN FONCTION DE L'USAGE
Dès que les premières séquences seront montées, vous aurez envie de les visionner. Le logiciel de montage n’est pas l’outil idéal pour cela. C’est d’autant plus vrai si le résultat de votre travail nécessite un calcul de rendu pour créer la vidéo finale. Premiere Pro dispose d’un grand nombre de formats d’exportation qui peuvent être utilisés directement depuis le logiciel de montage ou via l’application Adobe Media Encoder qui est conçue pour travailler en tâche de fond. En effet, l’encodage d’une vidéo peut prendre plusieurs heures et il est agréable de pouvoir utiliser son ordinateur pendant cette exportation. Il existe un grand nombre de formats d’enregistrement numérique de la vidéo. Pour un usage sur ordinateur, on utilise le plus souvent du MPEG4 encodé en H264. Pour préparer une vidéo HD afin de la graver sur un Blu-Ray, on utilisera plutôt le format MPEG2 encodé en 1080i.
RACONTER UNE HISTOIRE
Au-delà de toutes les considérations techniques, il faut garder à l’esprit qu’un bon film raconte une histoire. Même si vous avez mis toutes les chances de votre côté en faisant l’acquisition d’accessoires dédiés à la vidéo, même si vous avez appris à inclure la 4ème dimension qu’est le temps dans vos paramètres de prise de vues, même si vous avez suivi une solide formation de montage audiovisuel, vous ne vous serez réellement satisfaits derrière votre viseur que si vous avez donné un sens à votre travail.
Pour se faire plaisir en filmant, il faut travailler sur un projet concret. En photographie, il est possible de se satisfaire de quelques images superbes. En vidéo, c’est différent. Il faut réussir à capter l’attention du spectateur et à lui donner envie de découvrir la suite. Pour atteindre cet objectif, il faut suivre un scénario dont le premier objectif est de raconter une histoire. Le travail sur un film ne peut donc s’envisager que sur la durée et il ne laisse que peu de place à l’improvisation. Le secret consiste peut-être à ne pas renier ses racines de photographe pour proposer un graphisme plus épuré où les flous d’arrière-plan ont la part belle puisqu’il est possible de tirer profit de la grande taille du capteur de l’appareil reflex.
Enfin, quel plaisir après plusieurs mois d’efforts d’entendre, à la fin de la projection, les tous premiers spectateurs commenter votre travail en un seul mot : « waouh » !